Sacrée meilleure série française au Festival de La Rochelle, « Follow » est un thriller efficace qui mêle réseaux sociaux et enquête policière de terrain. Il raconte l’histoire de Léna, une jeune Community Manager qui travaille pour la Préfecture de police et aide à la traque d’un tueur qui sévit dans Paris. Pour créer cette atmosphère claustrophobique, le jeune directeur de la photographie Martin Laugery s’est appuyé sur l’ALEXA Mini LF. Depuis, il a tourné son premier long-métrage, « Zion », de Nelson Foix, en ALEXA 35 et poursuit avec cette même caméra sur la très attendue série « Trash » de Prime Video, inspirée du phénomène « Loft Story ».
Dans cette interview avec ARRI, le directeur de la photographie Martin Laugery explique pourquoi les caméras ARRI étaient le bon choix sur ces trois projets.
« Follow » est diffusé sur 13ème Rue, une chaîne spécialisée dans le policier et les films d’horreur. Comment avez-vous abordé ce thriller très sombre ?
J’avais déjà travaillé avec le réalisateur Louis Farge sur la série « Cuisine Interne », un polar dans le milieu de la restauration, diffusé lui aussi sur 13ème Rue. Nous nous connaissons bien. Notre référence était la série « Octobre » (Netflix), un polar scandinave glacial. Sur « Follow », nous voulions créer une atmosphère anxiogène et claustrophobique. Cela passait notamment par l’absence de découverte dans les décors et un travail très précis sur le cadre, avec beaucoup de contre-plongées et des profondeurs de champ très courtes. Le choix des lieux était aussi très important pour traduire la pesanteur des institutions. Nous avons tourné dans de magnifiques décors au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) à Paris, avec de la pierre, des boiseries et des grandes baies vitrées, qui font sentir la verticalité du pouvoir. Le réalisateur Louis Frage voulait combiner des références aux polars des années 80-90, avec des éléments bien plus modernes comme l’intégration des réseaux sociaux, qui sont assez difficiles à traiter au cinéma. Louis a eu cette idée de surimpression à l’image qui fonctionne très bien. Ce qui obligeait à anticiper au niveau du cadre de façon à laisser la place à ces insertions.
Pourquoi avoir choisi l’ALEXA Mini LF pour « Follow » ?
Sur « Cuisine Interne », nous avions tourné avec l’ALEXA Mini. Sur « Follow », nous avions l’idée d’être proches des visages des comédiens à l’épaule, pour accentuer l’atmosphère claustrophobique de la série. L’ALEXA Mini LF permettait cela grâce à son grand capteur. Avec une focale de 65mm, je pouvais me tenir à seulement 20 cm de la comédienne, sans déformation de l’image et avec une profondeur de champ très faible. Je pense notamment à cette scène dans laquelle Léna fait une crise d’angoisse dans un couloir de la Préfecture de Police. En Super 35, il aurait fallu utiliser au moins un 40mm. Au niveau des optiques, j’ai utilisé des Cooke Panchro full frame et un objectif Canon Dreamlens f0.95 dont j’aime bien les aberrations. Pour le reste, j’ai tourné toute la série avec l’ALEXA Mini LF à 1280 ISO, parfois 1600 ISO, de façon à ramener un peu de texture dans l’image. J’appliquais aussi des LUTs que j’avais conçues en amont.
La lumière est très élaborée sur « Follow », avec une sorte de dominante vert et jaune, et beaucoup de douceur. Comment l’avez-vous travaillée ?
J’ai une vraie passion pour le vert qui est la couleur narrative par excellence. Sur « Follow », j’avais cette idée de travailler sur les jaunes et les verts, notamment avec des entrants froids, mais assez doux, et des lampes de bureau qui tiraient vers le jaune. Mais la tonalité générale de la série vient des LUTs que je conçois et que j’adapte en fonction des séquences. Sur tous mes projets, je fais des essais filmés et je teste mes LUTs dessus. Cela me permet de valider une direction avec les costumes et le maquillage. Une fois sur le tournage, le soir ou à la pause déjeuner, je passe les rushs dans mon Resolve Da Vinci et j’adapte mes LUTs. J’applique les nouvelles LUTs sur les rushs et je les communique à la post-production. Comme cela, tout le monde voit une image proche du résultat final. Sur « Follow » et, plus récemment « Trash », j’ai travaillé avec Thomas Canu comme étalonneur. Sur chaque projet, nous mettons en place entre cinq et dix LUTs, que j’adapte ensuite moi-même sur le plateau. Sur « Follow », mon idée était de réduire le spectre de couleurs et d’essayer de les rassembler autour des jaunes et des verts. C’est quelque chose que l’on retrouve beaucoup dans les films de David Fincher et qui convient bien à l’univers du polar. Au niveau du contraste, je place les noirs assez haut dans le traitement de l’image. Mais je cherche à garder du détail dans les noirs, même avec des images très sombres, très dense. C’est ce qui donne l’impression de douceur malgré le contraste.
Avez-vous des projets au cinéma comme directeur de la photographie ?
Cet été, j’ai tourné mon premier long-métrage en tant que chef opérateur en Guadeloupe : « Zion », réalisé par Nelson Foix, dont c’est aussi le premier long. C’est un très beau film, très ambitieux, que nous avons filmé presque entièrement de nuit à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), dans le milieu des trafiquants d’armes et de drogue, avec des acteurs non-professionnels. J’ai fait pas mal d’essais comparatifs avant de choisir l’ALEXA 35. J’ai été très séduit par cette caméra. Beaucoup d’aspects m’intéressaient, notamment la possibilité de travailler en amont sur les textures. Ce qui ne pouvait se faire auparavant qu’en post-production. J’ai ainsi pu concevoir des LUTs qui me permettaient d’avoir une gestion des couleurs et des textures directement sur le plateau. Comme 80% de « Zion » se passe de nuit, j’ai aussi beaucoup utilisé le mode ES de l’ALEXA 35 qui offre une grande sensibilité sans avoir de montée de grain à l’image. Sur certaines séquences, je pouvais monter jusqu’à 4800 ISO, ou même 6400 ISO en mode ES, et le combiner avec une texture Deep Shadow (H457) qui lissait encore plus le grain. Et cela, tout en conservant une richesse dans les couleurs et le rendu des peaux sombres des comédiens guadeloupéens. Je pense à plusieurs scènes d’émeutes de nuit, dont le seul éclairage était des feux de rue. Je n’avais pas besoin de rajouter de lumière et je conservais à la fois de la dynamique et de la profondeur dans les couleurs. Alors que quand on tire sur le signal avec les caméras, on perd souvent dans les couleurs.