Gaffer Thomas Garreau lights up “Emilia Pérez” with ARRI

Le chef électricien Thomas Garreau illumine « Emilia Pérez » avec ARRI

Des longs métrages aux publicités, le chef électricien Thomas Garreau s’appuie sur toute la gamme de projecteurs ARRI Lighting sur ses tournages.

Feb. 19, 2025

Issu d’une jeune génération de chefs électriciens, Thomas Garreau est aussi actif dans la publicité que dans le long métrage. Récemment, il a travaillé aux côtés du directeur de la photo Paul Guilhaume AFC sur la création de la lumière de « Emilia Pérez », le film choc de Jacques Audiard, multiprimé au Festival de Cannes. Depuis, ce film mêlant drame et comédie musicale a remporté quatre Golden Globes et est nommée pour 13 Oscars®. Dans cette interview, Thomas Garreau parle de son utilisation des outils ARRI Lighting sur ce long métrage, tourné presque intégralement en studio, et des publicités dans lesquelles il utilise régulièrement SkyPanel, SkyPanel X, ARRIMAX, Série-M et Série-L.

Pour le film « Emilia Pérez », un marché de rue a été reconstitué aux Studios de Bry, illuminé par les SkyPanel

Pour le film « Emilia Pérez », un marché de rue a été reconstitué aux Studios de Bry, illuminé par les SkyPanel

« Emilia Pérez » est un film très fort, avec de vrais partis pris de lumière. Comment avez-vous abordé l’univers de Jacques Audiard avec le DP Paul Guilhaume ? 

C’est la première fois que je travaille avec Paul Guilhaume et c’était absolument génial. Le projet a beaucoup évolué depuis la préparation. Il a été un temps question de tourner au Mexique, puis de travailler en studio, sans décor, à la manière de Dogville. Ensuite, nous sommes revenus à un traitement plus réaliste de l’histoire, avec des ambiances lumineuses plus abstraites au moment des chorégraphies.

Nous avons réalisé des essais avec Paul et la déco. Pour reconstituée une partie du marché de rue au début du film, j’ai utilisé des petits fluos et des rubans LED pour recréer l’ambiance de là-bas. Au final, « Emilia Pérez » a été tourné à 95 % à Paris, aux Studios de Bry, dont nous occupions les sept plateaux. Avec une dizaine d’électriciens, plus quelques renforts, nous avons éclairé la vingtaine de décors du film. 

Pendant que j’étais sur un plateau à la face avec une partie de l’équipe, quatre électriciens prémontaient un autre décor. Nous passions en permanence de l’un à l’autre. Parfois, on montait un décor pour une seule journée. C’était très intense.

Le chef électro a restitué l’ambiance chaleureuse du Mexique grâce aux SkyPanel, utilisés en boîtes à lumières ou en lumière directe

Le chef électro a restitué l’ambiance chaleureuse du Mexique grâce aux SkyPanel, utilisés en boîtes à lumières ou en lumière directe 

Au total, sur ‘Emilia Pérez’, j’ai utilisé jusqu’à 130 SkyPanel. À peu près toute la gamme était sur le plateau.

Thomas Garreau

Chef électricien

« Au final, ‘Emilia Pérez’ a été tourné à 95 % à Paris, aux Studios de Bry, dont nous occupions les sept plateaux » explique Thomas Garreau

« Au final, ‘Emilia Pérez’ a été tourné à 95 % à Paris, aux Studios de Bry, dont nous occupions les sept plateaux » explique Thomas Garreau

Le film se passe presque entièrement au Mexique. Comment avez-vous retrouvé cette ambiance lumineuse très spécifique en studio ?

C’était un des enjeux du film : reconstituer les ambiances du Mexique. Paul Guilhaume m’a donné plusieurs références, mais nous nous sommes beaucoup appuyés sur les photos de repérages qu’il avait faites là-bas avec le réalisateur et la cheffe décoratrice. La volonté de Paul était d’avoir une idée forte par décor. 

Nous avons prévisualisé certains choix de lumière sur le logiciel Depence. Nous récupérions les plans 3D de la déco et nous placions les différents projecteurs dans le logiciel, qui rend très bien les brillances, les faisceaux et les textures. Cela nous a aidés à prendre des décisions sur certains lieux. 

Pour le décor de la villa au Mexique, il fallait être assez réaliste. Paul souhaitait un mélange de voûte céleste et de soleil, mais me laissait très libre sur la façon d’y parvenir. J’ai reconstitué des ciels en m’appuyant sur des SkyPanel. Au-dessus de chaque fenêtre, j’installais plusieurs S60 en top dans des boîtes à lumière. Souvent, je mettais une rangée de S120 en direct, pour avoir comme un point chaud dans cette lumière très douce. Je rajoutais aussi des S360 avec Chimera, que j’installais par rapport au cadre caméra. Sur l’ensemble des SkyPanel, je jouais sur les couleurs pour retrouver la complexité des teintes de la lumière du jour. Parfois, j’ajoutais des multisources 9 lampes ou 12 lampes tungstène, pour créer un entrant de lumière très fort et retrouver l’ambiance solaire du Mexique. Sur ce même décor, il y avait aussi une grande découverte sur Mexico City que j’ai rétroéclairée avec des SkyPanel pour le jour et des petits fresnel tungstène pour la nuit. Au total, sur « Emilia Pérez », j’ai utilisé jusqu’à 130 SkyPanel. À peu près toute la gamme était sur le plateau : S60, S120, S360. 

Pour les scènes de voitures sur fond bleu, le soleil couchant a été recréé avec des ARRI T12 Fresnel et des SkyPanel en dégradé orange-bleu-violet

Pour les scènes de voitures sur fond bleu, le soleil couchant a été recréé avec des ARRI T12 Fresnel et des SkyPanel en dégradé orange-bleu-violet 

La séquence du gala dans la grande salle de spectacle est très impressionnante, avec des changements d’ambiance radicaux. Comment l’avez-vous travaillée ?

C’est une très belle scène. Le décor offrait des lumières de jeu avec les lustres et les petites lampes sur les tables. Au-dessus, j’ai installé des SkyPanel dans des Space Light en diffusion. Ce qui permettait d’avoir une lumière qui tombe et vient renforcer celle des lustres. 

Au moment où la comédienne danse sur les tables, j’avais installé quatre projecteurs automatiques pilotés par pan-bar, avec une caméra dans les cintres. Il suffisait de pointer une cible sur l’écran pour que tous les faisceaux convergent, au même endroit, au même instant. Cette technique nous a permis de nous adapter rapidement aux besoins de la mise en scène, avec une chorégraphie qui évoluait au fil des prises. À la console, nous avons travaillé avec Julien Peyrache, qui a apporté tout son savoir-faire du spectacle vivant.

Sur le film, même les scènes de voitures ont été faites en studio sur fond bleu. Pour le soleil couchant, j’ai utilisé des ARRI T12 Fresnel tungstène de 10 kW et, parfois, des 9 lampes ou 12 lampes tungstène. J’avais aussi installé des SkyPanel en top dans deux boîtes à lumière de 6 m x 12 m. Je les programmais avec un dégradé de l’orange vers le bleu en passant par le violet. Cela crée une ambiance lumineuse assez subtile, qui se reflète dans la voiture et sur les visages. De jour, je simulais le mouvement des nuages à partir de la console en jouant sur le mode pixel des SkyPanel. 

Sur « Emilia Pérez », le seul décor réel dans lequel nous ayons tourné est celui de l’association La Lucecita. Paul voulait contrôler parfaitement la lumière et passer du jour à la nuit rapidement. Avec l’équipe machinerie, dirigée par Gaston Grandin, nous avons borniolé tout l’extérieur et installé des HMI M40 et M90 ARRI en rebonds sur des toiles « ultra bounce », de façon à éclairer l’intérieur. Dans les pièces, il y avait seulement des tubes LED et un petit projecteur à la face, que j’allumais ou éteignais en fonction des plans. La Série-M d’ARRI, c’est vraiment l’outil de base quand on a besoin de puissance.

Le SkyPanel X en action pour une campagne Adidas

Le SkyPanel X en action pour une campagne Adidas

Vous avez récemment acquis un SkyPanel X. Dans quel contexte avez-vous utilisé ce nouvel outil de la gamme ARRI ? Qu’en avez-vous pensé ?

J’ai testé le SkyPanel X avec le directeur de la photographie Nicolas Loir sur le tournage de « Rembrandt », de Pierre Schoeller. Nous l’avons employé ponctuellement pour éclairer des extérieurs nuit et faire quelques entrants de soleil. J’aime beaucoup l’accessoire HyPer Optic qui crée une lumière très spot, très solaire, un peu dure. Avec Nicolas, nous l’avons utilisé de nuit dans une rue pour éclairer une façade d’immeuble qui était très loin. L’idée était de lui donner une valeur et un peu de couleur. Le résultat nous a bluffés. La lumière était super, malgré la distance. Sur le même film, je l’ai aussi utilisé de jour, pour créer un entrant de soleil un peu dur. Nous tournions dans une école, c’était compliqué d’utiliser un groupe électrogène. J’ai branché le SkyPanel X sur une prise de courant et j’ai pu avoir une tache de soleil avec l’HyPer Optic. C’est très pratique.

J’ai aussi employé le SkyPanel X récemment en studio, sur une publicité Adidas. Le DP Nicolas Loir cherchait un projecteur capable d’éclairer son visage. Au début, nous avons pensé à des automatiques, mais la lumière était trop dure. Surtout, nous voulions des couleurs très précises, car nous avions besoin de matcher avec celles des produits. Finalement, nous avons opté pour le SkyPanel X, toujours équipé de l’HyPer Optic. Nous l’avons installé sur un grand déport pour le diriger vers le modèle. Cela nous a permis de créer un spot bien défini sur une partie du corps et du visage du mannequin. La vignette est très propre : il n’y a pas de dégradé de couleur sur les bords. Et nous avons pu faire matcher les couleurs avec celles des SkyPanel classiques que j’avais installés tout autour du plateau. 

Le SkyPanel X est vraiment un bel outil. ARRI ne s’est pas contenté de faire un SkyPanel étanche. Avec des accessoires comme l’Hyper Optic, de nouvelles textures de lumière sont possibles et, il suffit de mettre la plaque diffusante douce dessus et cela redevient un SkyPanel normal, mais plus puissant.

J’ai testé le SkyPanel X avec le directeur de la photographie Nicolas Loir. Le résultat nous a bluffés. La lumière était super, malgré la distance.

Thomas Garreau

Chef électricien

Vous êtes chef électricien sur beaucoup de publicités. Avec quels outils travaillez-vous habituellement ?

La publicité est un laboratoire pour tester de nouveaux projecteurs. Mais le SkyPanel classique reste l’outil de prédilection pour créer de grandes boîtes à lumière qui valorisent le produit. Je rajoute de la diffusion tout autour pour créer une ambiance très douce. Sur une publicité Dior, tournée avec le DP Nicolas Loir, nous avons installé en top deux boîtes à lumière de 12 m x 10 m, réalisées avec 50 SkyPanel au total. Je rétroéclairais aussi une toile imprimée par la décoration avec 30 SkyPanel supplémentaires. À cela, j’ajoutais huit S360. Pour moi, le grand avantage du SkyPanel, c’est la qualité de sa couleur et de son électronique qui permet de faire un allumage très doux en basse intensité. Avec le DMX, je pilote tout depuis un iPad. Je peux ajuster rapidement les paramètres de lumière en fonction des souhaits du DP et du réalisateur. Et le SkyPanel existe en quantité chez les loueurs qui ont beaucoup investi dans cet outil. Nous n’avons aucun problème de disponibilité. 

Mais il n’y a pas que les LEDS en publicité. Tout dépend du projet, en fait. Avec le DP Paul Guilhaume, j’ai tourné une publicité pour les montres Hublot avec Kylian Mbappé. Nous avons utilisé douze ARRIMAX 18 kW pour éclairer le joueur qui courait sur la pelouse d’un stade. Nous les avons équipés de « shutters » Licht-Technik qui créent des obturations rapides sur les ARRIMAX. Paul combinait cette lumière avec une caméra qui tournait à 1000 images/sec. Le résultat est impressionnant. En même temps, je n’ai pas de dogme au niveau des projecteurs. Tout ce qui peut faire de la lumière est intéressant. Récemment, j’ai tourné une publicité au Sénégal où il y avait peu de projecteurs de technologie récente. Et c’était très excitant. Parfois, on trouve des textures nouvelles avec des outils plus anciens. Il faut être capable de travailler avec tout ce qui existe.

Douze ARRIMAX 18 kW ont illuminé la publicité de la marque de montres Hublot, portée par le footballeur Kylian Mbappé

Douze ARRIMAX 18 kW ont illuminé la publicité de la marque de montres Hublot, portée par le footballeur Kylian Mbappé 

À 35 ans, vous affichez déjà une belle expérience de chef électricien dans le long métrage, la publicité et les séries. Quel a été votre parcours, sachant qu’il n’y a pas de formation en France pour le métier de gaffer ?

Quand je suis sorti de la section image de l’école 3IS, je savais que je voulais faire du cinéma, mais je n’avais pas d’idée précise sur le poste que je souhaitais occuper. J’ai d’abord fait un stage chez Panavision, où j’ai rencontré un chef électricien, Nicolas Dixmier, qui m’a pris en stage. Et, de fil en aiguille, j’ai appris sur le tas, avec notamment Franck Barrault, qui m’a beaucoup transmis. Après, ce sont des rencontres avec des directeurs de la photographie qui m’ont fait confiance. Je pense à Benoît Chamaillard et à Eric Dumont, avec lequel j’ai tourné quatre films, qui m’ont fait passer chef électro sur des longs métrages. C’est aussi le DP Nicolas Loir, que j’ai connu sur des publicités, qui m’a fait confiance sur un tournage très ambitieux comme « Novembre ». 

La place que j’ai aujourd'hui comme gaffer sur un tournage, me convient parfaitement. J’aime assister le directeur de la photographie dans ses envies de lumière. 

Sur le tournage de « Novembre », le gaffer Thomas Garreau a remplacé les lampadaires par des SkyPanel

Sur le tournage de « Novembre », le gaffer Thomas Garreau a remplacé les lampadaires par des SkyPanel

Photo d’ouverture : Copyright © Christophe Brachet