Jeune électricien, Franck Barrault a fait partie de l'équipe lumière de « Delicatessen » et de « La Cité des enfants perdus » : deux films mythiques, portés par le duo Caro & Jeunet, qui ont secoué le cinéma français des années 90 ; deux films qui ont fait éclore l'immense talent de Darius Khondji AFC, ASC, alors jeune DP.
« Darius a vraiment été mon mentor pendant toutes ces années », explique Franck Barrault. « J’ai débuté avec lui comme assistant dès 1986. Pendant toute cette période, il m’a accompagné, nourrit, permis d’évoluer. Comme je ne me voyais pas passer ma vie à charger des magasins avec de la pellicule, je me suis tourné vers l’équipe lumière, d’abord comme électricien et, plus tard, comme chef électro. Depuis mes années d’études, ma passion a toujours été de faire de la lumière. Mais ma vraie sensibilité dans ce domaine s’est construite sur ‘Delicatessen’ et ‘La Cité des enfants perdus’, avec Darius et le chef électro Bernard Gemahling, qui avait un tel savoir et une vraie sensibilité. C’est là que j’ai le plus appris. C’étaient des univers de pure fiction où l’on pouvait tout inventer. Et il y avait un vivier de talents à tous les niveaux. Le DP Philippe Le Sourd ASC, avec qui j’ai débuté comme chef électro sur ‘Cantique de la Racaille’ en 1997, a aussi été assistant de Darius. »
Les Orbiters éclairent une pub tournée par le directeur photo Philippe Le Sourd ASC
Philippe Le Sourd, qui s’est imposé ensuite comme un grand directeur de la photographie à l’international avec ses collaborations avec Sofia Coppola, Wong Kar-Wai et Ridley Scott, restera fidèle à Franck Barrault sur ses productions françaises. Ils collaborent notamment sur « Peut-être », l’ambitieux film d’anticipation de Cédric Klapisch, et le très déjanté « Atomik Circus » de Didier et Thierry Poiraud. « Avec Philippe, la complicité que nous avons est primordiale. Nous avons les mêmes références. Nous nous comprenons avec très peu de mots. C’est quelqu’un de très exigeant. Il pousse toujours les curseurs au maximum jusqu’à obtenir ce qu’il veut. Il ne fait pas de compromis et je dois être à la hauteur de ça au niveau lumière. »
Avec Darius Khondji, Franck Barrault n’a travaillé qu’une seule fois en tant que chef électro, sur « Chéri » de Stephen Frears en 2006, mais l’expérience fut mémorable. « Ce que j'aime dans le travail avec Darius, c’est qu’il intègre complètement le chef électro au processus de création. En prépa, il m’emmenait avec lui voir tous les décors, jusqu’au choix du papier peint, de la couleur des rideaux ou la matière des costumes... Il m’invitait à tous les essais et aux projections, de façon à discuter avec lui de tous les détails qui concernaient la lumière. Cela donne une vision très complète et globale à mon travail. C'est passionnant et, surtout, indispensable si l’on veut faire les choses bien au niveau lumière sur un long métrage. ‘Chéri’ est un film fondateur pour moi. Tout à coup, je passais à la vitesse supérieure. »
Depuis cette époque, les sources de lumière ont bien changé avec l’arrivée des LED et Franck Barrault a très vite vu l’intérêt des SkyPanels pour son métier. « J'ai été un des premiers à les utiliser. J’ai tout de suite compris leur potentiel. Le simple fait de pouvoir dimmer sans que cela change la température de couleur : c’était un vrai bonheur ! Plus besoin de descendre les projecteurs et changer les gélatines pour ajuster les couleurs. Sans parler que tout se pilote depuis un iPad ou une console. C’était une vraie révolution. Cela a complètement changé mon travail de chef électricien. Et puis, ARRI apportait un produit stable sur un marché où c’était un peu la jungle. Les SkyPanels sont tout de suite devenus un standard de qualité, une valeur sûre. Aujourd'hui, j’aimerais qu’ARRI fasse évoluer le produit, avec, notamment, une version IP64 et des blocs d’alimentation intégrés. Cela nous ferait gagner du temps d’installation. Car au final, le vrai bénéfice des LED est de nous permettre de travailler beaucoup plus rapidement. C'est important avec la réduction des temps de tournage. Cela nous laisse plus de temps pour peaufiner la lumière sur le plateau. »
L’Orbiter et les SkyPanels sur le plateau de la série Netflix « Détox »
Dans son parcours, le chef électricien a travaillé régulièrement sur des films de genre qui exigent de créer des atmosphères lumineuses inhabituelles, loin du naturalisme ambiant. « Ce qui m’intéresse c’est que l’image soit la plus en adéquation possible avec ce que le réalisateur a en tête » insiste Franck Barrault. « Sur ‘Comment je suis devenu super-héros’ (Netflix), un film fantastique où il fallait créer des ambiances improbables, nous avions construit le repère du méchant dans un ancien hippodrome abandonné. Le DP Nicolas Loir AFC a eu cette idée de faire installer des rideaux verts très denses tout le long d’une grande baie vitrée. À l'extérieur, j’ai fait construire un échafaudage où j’ai placé huit SkyPanels qui éclairaient la fenêtre un peu en dessous, de façon à faire remonter cette lumière à travers les rideaux. À l'intérieur, j’utilisais des SkyPanels pour décontraster l’image qui était assez dense. Cela créait une ambiance très intéressante. »
« Sur ‘Seuls’, autre film fantastique sur lequel j'ai travaillé avec Nicolas Loir, nous avons une séquence où des enfants conduisent à toute vitesse un fourgon blindé qu’ils ont volé. En studio, j’avais mis en place une installation lumière avec treize SkyPanels S120 dédiés au fond vert et seize SkyPanels S60 qui éclairaient l’intérieur du fourgon. Tous étaient reliés à une console en DMX. Je n’avais plus qu’à faire ma programmation. Avec les SkyPanels, c’est très facile de créer des effets de circulation lors de poursuites tout en intégrant dedans les effets flash des voitures de police. Et tout ça, avec le même projecteur. Les SkyPanels ont vraiment apporté cette rapidité de changement des couleurs, même au cours d’un plan. Je peux produire simplement des effets auparavant complexes à créer. Tout à coup, beaucoup de choses sont devenues possible. »
Photo de tournage du film ‘Seuls’ du réalisateur David Moreau
Pour Franck Barrault, créer la lumière sur un plateau ne consiste pas seulement à rajouter des projecteurs. Le chef électricien a mis au point au fil des tournages une méthode originale pour créer de la soustraction de lumière sans déployer de trop lourdes installations. « Sur ‘Le Semeur’, tourné par Alain Duplantier dans les Cévennes, nous avions peu de moyens et 70 % du film se tournait en extérieur en été. Plutôt que d’essayer de ramener une direction de lumière dans une ambiance douce (ombre ou nuages), j’ai proposé d’enlever de la lumière pour créer du contraste sur les personnages. C’est un concept que j’ai mis au point avec le DP Nicolas Loir sur ‘Seuls’ et sur la série d'horreur ‘Marianne’ (Netflix). »
« L’idée était d’amener un climat fantastique en créant du contraste et de la densité dans l’image, avec comme résultat une sensation non-naturalisme tout en étant naturel. Pour y arriver, j’ai cherché un matériau léger qui filtre la lumière. J’ai fini par trouver le windbreaker qui est utilisé pour casser le vent dans la photo de mode. C’est une résille noire avec plein de microtrous qui réduisent la luminosité et que je monte sur des cadres de 2,40 m x 1,36 m. Dans les extérieurs de campagne sur ‘Le Semeur’, je les utilise pour soustraire de la lumière et créé ainsi du contraste sur les personnages. Ils sont tellement légers qu’on peut aussi les tenir à la main et suivre les acteurs qui se déplacent lors d’un travelling. Habituellement, quand on veut créer de la soustraction, on le fait avec du tissu noir, mais l’inconvénient, c’est que plus rien ne passe. Ici les résilles réduisent la luminosité mais laissent passer la couleur. Ce qui me permet d’obtenir quelque chose de très naturel. Ça existe dans l’image, mais on ne le sent pas. Sur un film à très petit budget comme ‘Le Semeur’, cela nous a permis de donner du caractère à l’image avec peu de moyens. »
« Les SkyPanels sont tout de suite devenus un standard de qualité, une valeur sûre », déclare Franck Barrault
Toujours à l’affût des nouveautés, Franck Barrault sélectionne toujours les outils les plus adaptés au tournage qu’il prépare. « Je ne travaille jamais avec la même liste de matériel. Celle-ci évolue à chaque film. En fait, je choisis les projecteurs qui me paraissent les plus adaptés à la demande artistique du directeur de la photographie et du réalisateur, tout en répondant à la problématique du décor et du budget. De fait, je suis toujours à la recherche de nouveautés que j’intègre régulièrement à mes listes. »
« Chez ARRI, j'utilise maintenant assez souvent les Orbiters. Sur ‘Un petit miracle’, un long métrage de Sophie Boudre qui sortira bientôt, j'avais deux Orbiters pour faire des petits bounces. J’utilise aussi l’Orbiter pour sa ponctualité, avec son optique Open Face à 15°, soit pour aller chercher quelque chose dans un mur, ramener un niveau ou faire une réflexion. L’Orbiter est un outil hyper rapide qui me permet de faire un bandeau de lumière très propre, sans avoir à installer une armée de drapeaux. Je peux aussi modifier la lumière très vite, ce qui me fait gagner énormément de temps sur le plateau. »
« Sur la série ‘Détox’ (Netflix), une comédie très colorée dans l’air du temps tourné par le DP Quentin de Lamarzelle, j’utilise deux Orbiters pour rajouter des petites taches de couleur dans les décors. Dans les concepts de lumière, j’aime bien travailler en réflexion, soit pour décontraster, soit pour amener des directions de lumière. J’utilise aussi beaucoup de découpes, donc j’attendais avec impatience celle de l’Orbiter. Au-delà des accessoires, le point fort du projecteur, c’est la qualité de ses couleurs. ARRI a toujours très bien travaillé sa colorimétrie. C’est hyper propre en couleur. »
L’Orbiter sur le plateau de la série ‘Détox’
« Chez ARRI, je sélectionne aussi parfois les projecteurs de la Serie-M », ajoute Franck Barrault. « Ce sont de véritables couteaux suisses. Ils se focalisent, ils sont puissants. J’arrive à faire à peu près tout ce que je veux avec eux. Sur la série ‘Un homme d'honneur’ avec le DP Jean-Paul Agostini, je les utilisais pour faire du bounce ou au travers d'une diffusion pour éclairer des profondeurs. L’autre avantage, c’est qu’on trouve les Serie-M un peu partout dans le monde. »
« Le prochain film que je vais faire, ‘Gueules Noires’ de Mathieu Turi, se passe dans les mines du nord de la France. Avec le DP Alain Duplantier, nous voulons créer une image très contraste, très sombre. Pour les bâtiments de surface et les nacelles, je vais prendre un M6 avec les nouveaux réflecteurs plus concentrés, pour créer un pinceau de lumière très serré, et probablement aussi des M18. »
