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Le directeur photo Jean-Max Bernard enflamme la série « Notre-Dame, la part du feu » avec ARRI

Sur la mini-série consacrée à l’incendie de Notre-Dame de Paris, le directeur de la photographie Jean-Max Bernard a utilisé les ARRI Signature Primes, l’ALEXA Mini LF et les SkyPanel pour sublimer l’épopée des soldats du feu.

Nov. 22, 2022

Le monde entier était aux aguets lorsque le 15 avril 2019, la cathédrale Notre-Dame de Paris a pris feu. Classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, Notre-Dame est considérée comme l'un des plus beaux exemples d'architecture gothique qui soit. La récente mini-série "Notre-Dame, la part du feu" de Netflix cherche à retracer cet événement dramatique, en se basant sur les récits des pompiers français. Elle dépeint l'impact de l'incendie de Notre-Dame sur différentes personnes à Paris. ARRI s'est entretenu avec le directeur de la photographie Jean-Max Bernard, au sujet de ses choix et de ses expériences pour faire revivre cet événement émouvant.

La nouvelle série évènement de Netflix s’attaque au terrible incendie de Notre-Dame de Paris. Comment avez-vous abordé ce projet complexe ?

Je travaille depuis quinze ans avec Hervé Hadmar, le réalisateur de « Notre-Dame, la part du feu ». Je connais très bien sa façon de fonctionner. Il a la particularité de ne réaliser que les séries qu’il a écrites, ici avec son coscénariste Olivier Bocquet. Nous travaillons tous les deux très en amont du projet, dès les premières versions de scénario. Cela nous donne le temps de réfléchir, d’avancer pas à pas vers les partis pris d’image. Sur cette série, Hervé était très intéressé par les couleurs des vitraux. Il souhaitait que l'on retrouve ces tonalités dans les décors et dans la lumière. Il m’a aussi donné plusieurs références de films et de séries aux couleurs très marquées : « Only God Forgive » et « Too old to die young » de Nicolas Winding Refn. Nous avons aussi regardé du côté de la série « The Mosquito Coast » qui nous intéressait beaucoup. C’était un dialogue continu avec le réalisateur. L’objectif était d’apporter à la série cette idée de couleur et de tonalité proche des vitraux, sans être trop ostentatoire.

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Le réalisateur Hervé Hadmar (au centre en chemise blanche), le chef opérateur Jean-Max Bernard (assis au centre) et quelques membres de l’équipe de tournage

Pourquoi avoir choisi les optiques ARRI Signature Primes T1.8 sur « Notre-Dame, la part du feu » ?

Le choix des optiques était très important pour moi sur une série aussi complexe, où j’allais devoir gérer du feu et jongler entre différentes épaisseurs de fumée. Je savais que je devrais filtrer le moins possible pour éviter les doubles images. Quand nous avons fait des essais comparatifs sur des visages avec de la fumée, les Signature Primes se sont imposées immédiatement. C’étaient exactement les optiques qu’il nous fallait. Elles avaient la rondeur et la finesse qui allaient nous permettre de travailler quasiment sans filtre tout le temps. Dans les Primes, j'ai beaucoup utilisé les courtes focales à des ouvertures de 2 ou 2,8, avec l’idée de perdre de la profondeur de champs. Cela donne une vraie densité à l’image. Les bokehs sont aussi très beaux, élégants, ronds et fins. En outre, je trouve que les Signature Primes donnent un très joli velouté sur les visages, sans être trop doux ou trop mou. C'est un très bel alliage. Elles ont à la fois le piqué et le velouté. Je me suis régalé sur le tournage avec ces optiques. Les Signatures Primes sont une très belle réussite de la part d'ARRI.

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Les optiques ARRI Signature Prime m’ont permis de gérer le feu et jongler entre différentes épaisseurs de fumée

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« Quand nous avons fait des essais comparatifs sur des visages avec de la fumée, les Signature Primes se sont imposées immédiatement », déclare le directeur de la photo

Et au niveau de la caméra, comment s’est comportée l’ALEXA Mini LF ?

Nous avons tourné avec deux ALEXA Mini LF : une à l'épaule et l'autre sur Steadicam ou sur grue. J'ai toujours travaillé avec les ALEXA et je n'avais pas envie de me lancer dans des expérimentations sur un projet aussi lourd à gérer. Sur cette série, l’ALEXA Mini LF, c'est le choix de la sécurité, quelque chose de très pragmatique. C'est une caméra que je connais bien. Son capteur offre une très grande latitude. Il va très loin dans les noirs, sans partir en vrille dans les hautes lumières. C’était d’autant plus important que je travaillais à grande ouverture. La série se passe presque entièrement de nuit, puisque l’incendie démarre en fin de journée. Du coup, ce tournage a tout le temps été un jonglage entre les hautes lumières des flammes, les zones d’ombre dans les décors et les pompiers habillés en noir. J’avais besoin d’une caméra capable d’encaisser de grands contrastes, d’où le choix de l’ALEXA Mini LF. Je savais aussi que dans les séquences tournées en décor naturel, dans la cathédrale de Bourges par exemple, j’allais devoir travailler en basse lumière en m'appuyant sur l’ambiance existante. Son capteur me donnait cette latitude de tourner avec très peu de sources. Sans parler de la compacité de la Mini LF qui m’était indispensable pour pouvoir travailler à l'épaule dans les escaliers hyper étroits des vraies cathédrales. 

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Scène en décor naturel dans les escaliers de la cathédrale de Bourges

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« Le choix de la sécurité » pour le directeur photo Jean-Max Bernard. L’ALEXA Mini LF sur Steadicam

À quelle exposition avez-vous utilisé la caméra ?

En général, je joue très peu sur l’exposition. Ici, j’étais tout le temps à 800 ASA, peut-être un ou de fois à 1600 ASA, mais c’est tout. Sur « Notre-Dame, la part du feu », le gros boulot a été de jouer sur les tonalités et les couleurs. Avec mon étalonneur, Gilles Granier, nous avons travaillé très en amont pour mettre au point une LUT valable sur tout le film. Dans cette série, nous ne sommes pas dans un rendu très naturaliste, notamment des peaux. Cela n'aurait pas eu de sens avec les pompiers couverts de suie et exposés aux flammes. J’ai donc eu toute latitude pour élaborer une LUT qui modifie sensiblement le rendu des couleurs et réponde à la direction souhaitée du réalisateur. Avec l’étalonneur, nous avons épluché en détail les différentes ambiances de la série, élaboré plusieurs LUTs, pour arriver finalement à celle qui nous satisfaisait pleinement. Après, il n’y avait plus qu’à l’installer sur l’ALEXA Mini LF.

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Scène avec deux pompiers devant Notre-Dame

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Plusieurs scènes de « Notre-Dame, la part du feu » montrent les pompiers couverts de suie et exposés aux flammes

De quelle façon avez-vous travaillé la couleur sur le plateau ?

Sur chaque film ou série, je fais toujours un travail de préparation en amont où je teste différentes gélatines en fonction de chaque séquence. Je dépouille un échantillonneur Lee par teintes que j’étale sur des vitres et, progressivement, je sélectionne les ambiances colorimétriques qui m’intéressent, décor par décor. Ensuite, je les reporte sur les SkyPanel en sélectionnant les couleurs qui se rapprochent le plus de mes gélatines. Après, il a fallu faire tout un travail d'ajustements en fonction de la LUT qui modifiait beaucoup les couleurs.

Comment avez-vous utilisé les SkyPanel pour construire votre lumière ?

J’ai beaucoup utilisé les Skypanel dans les scènes de studio à Bry-sur-Marne. C’est là que nous tournions les séquences de feu dans Notre-Dame. Sur le décor de la coursive de la cathédrale, j’avais au total soixante SkyPanel pilotés en DMX. Sur le grand décor de la Nef, nous utilisions vingt-cinq SkyPanel 60, huit SkyPanel 120 et un SkyPanel 360. Il y avait beaucoup de contraintes techniques à prendre en compte avec le feu et les effets spéciaux. Les SkyPanel me servaient à éclairer les fonds verts ou bleus mais, aussi, sur la Nef, pour créer la luminosité qui rentre de côté dans Notre-Dame en cette fin d’après-midi. Ils m’ont aussi permis de travailler différentes densités d’effets de flammes. En deux secondes, je passais des teintes de braises, aux petites flammes, pour finir sur un grand brasier. Je pouvais rapidement basculer d’une ambiance plutôt douce de jour, à quelque chose de plus flamboyant de nuit, sans que cela n’ait aucune incidence sur le temps de préparation du décor. C’est une vraie richesse. Les SkyPanel ont vraiment révolutionné notre façon de travailler. C’est un gain de temps considérable sur le plateau et un champ de possibilités extraordinaire dans la gestion des couleurs et de la luminosité. Et l’ensemble se pilote d’un doigt à partir d’une tablette. Les SkyPanel ont vraiment agrandi notre terrain de jeu.

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Les ARRI SkyPanel et l’ALEXA Mini LF sur grue, en action pour la série « Notre-Dame, la part du feu »

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Au total, 60 ARRI SkyPanel ont été utilisés pour les scènes tournées au studio de Bry-sur-Marne

Quels projecteurs avez-vous utilisés sur les extérieurs ?

Les SkyPanel m’ont aussi beaucoup servi sur le parvis de la Notre-Dame, en jour et en nuit. Nous avions eu l’autorisation exceptionnelle de tourner sur le vrai parvis pour reconstituer les scènes avec les camions de pompiers. Les effets spéciaux avaient installé un fond bleu de 30m x 6m que j’ai éclairé avec des SkyPanel. Mon chef électro Philippe Wegiel a installé, de part et d’autre du parvis, quatre nacelles à 20m de haut, chacune équipée de deux SkyPanel 60 et d'un SkyPanel 120. En contre, j’avais deux SkyPanel 120 et trois SkyPanel 60. Certains étaient programmés pour prolonger l’ambiance jaune/vert des éclairages urbains, dans lesquels je mélangeais du cyan. D’autres m’aidaient à renforcer l’effet gyrophare bleu/bleu, bleu/rouge.

Comment s’est passé l'étalonnage en HDR ?

Je viens de la pellicule 35mm que j’ai quittée avec une certaine nostalgie. Mais, en même temps, le numérique nous permet de faire des images que l’on n'aurait jamais pu réaliser en pellicule, notamment en termes de colorimétrie. Concernant le HDR, j’avais bossé en amont avec l’étalonneur pour bien sentir la différence de rendu avec le SDR. Le HDR peut paraître plus brillant, plus pointu, mais surtout, il a l’avantage d’aller chercher plus loin dans les hautes lumières. C’était très appréciable sur ce film où nous avions beaucoup de scènes de feu avec des arrière-fonds sombres. De mon côté, je faisais en sorte de garder une image homogène pour ne pas avoir de mauvaise surprise, mais je savais que le HDR me donnerait beaucoup plus de matière dans les hautes et les basses lumières. Sur les flammes, le HDR est clairement plus flatteur, en apportant une grande richesse de détails. À l’étalonnage, tout ce qui nous donne plus de latitude est une bonne chose. Et l’on peut très bien étalonner le HDR de façon gracieuse et éviter le côté clinquant. Si tous les spectateurs pouvaient regarder la série en HDR ce serait idéal.

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L’acteur Roschdy Zem sur le tournage de la série « Notre-Dame, la part du feu »

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Le directeur photo Jean-Max Bernard avec l’ALEXA Mini LF et les Signature Primes et l’actrice Megan Northam

Crédits photo : Emmanuel Guimier, Netflix