Acteurs Stéphane De Groodt et Elsa Zylberstein sur « Bigbug »
M. Hardmeier, c'est la seconde fois que vous tournez avec Jean-Pierre Jeunet. Avait-il des demandes particulières pour le tournage de « Bigbug » ?
Cela fait près de quatre ans qu'il m'a parlé de ce projet, qui était difficile à monter pour le cinéma. C'est une comédie d'anticipation dans le style de Jeunet, avec confrontation d’humains et robots dans un pavillon de banlieue en 2050. Comme nous tournions en studio dans un décor unique, il souhaitait un plafond lumineux pour accélérer la mise en place lumière et dégager du temps pour la mise en scène. J'ai donc collaboré très étroitement avec Aline Bonetto, la chef décoratrice qui a fait un travail extraordinaire, pour trouver des solutions techniques et esthétiques.
Quelles solutions avez-vous mises en œuvre au niveau lumière ?
Je sais d'expérience que Jean-Pierre aime avoir des teintes chaudes à l'image. Il ne voulait surtout pas faire un film d'anticipation avec les couleurs froides habituelles de la science-fiction. Pour la lumière, nous avions la base, qui était le plafond, éclairé par 93 SkyPanels S60s, et, avec Aline Bonetto, nous avons intégré beaucoup de LED dans le décor, que ce soit des rubans LED ou des plaques souples. Cela me permettait de structurer les fonds. Ensuite, pour éviter d'être monochrome, j'ai joué sur la couleur de ces différentes sources : vert, bleu, jaune, fuchsia, etc. Tous les prétextes étaient bons pour que je crée des contrastes de couleur dans l'image. Une semaine avant le début du tournage, nous avons réalisé avec Jean-Pierre des tests avec les comédiens en costume et dans le décor, de façon à travailler en détail les teintes, les lumières et créer des ambiances prédéfinies. Toutes les LEDs, dont les SkyPanels et les lumières de jeu, étaient réglables depuis une console. C'était génial. Je pouvais tout contrôler à distance et voir de suite le résultat. C'était très intuitif. Cela libère beaucoup la créativité pour moi et Jean-Pierre.
L’ALEXA Mini LF sur le tournage du film Netflix « Bigbug » de Jean-Pierre Jeunet
Geoffroy Saint-Hilaire derrière l’ALEXA LF
Pourquoi avoir choisi l'ALEXA LF et l'ALEXA Mini LF pour tourner « Bigbug » ?
Je voulais tourner le film en grand format. Au début, j'ai pensé utiliser l'ALEXA 65 mais Jean-Pierre Jeunet aime tourner en courte focale, avec les comédiens au premier plan et beaucoup de profondeur de champ. Comme je ne tourne qu'en ALEXA, j'ai choisi de travailler avec l'ALEXA LF. Sur le plateau, nous avions une LF sur Dolly et une Mini LF sur Steadicam, avec Geoffroy Saint-Hilaire au cadre. Nous utilisions le corps caméra de manière interchangeable. Pour moi, l'ALEXA LF est dans la continuité directe de l'ALEXA classique. Elle apporte un vrai confort de travail quand on est au cadre et c'est une vraie caméra avec plein de possibilités d'accessoirisation. Au niveau de l'image, si je veux aller chercher des infos dans les noirs, il n'y a clairement que l'ALEXA. Sans parler de son rendu doux et de sa grande latitude d'exposition. On retrouve tout cela dans l'ALEXA LF. De plus, travailler en grand format m'a permis de gagner sur les rapports de focale. La plupart du temps, Jean-Pierre Jeunet travaille avec un 18 mm ou un 21 mm en S-35 mm, jamais avec de longues focales. Une grande partie de « Bigbug » est tournée au 25 mm, mais grâce au grand format de l'ALEXA LF, cela donne le rendu d'un 16 mm, mais sans aucune déformation. C'était la caméra parfaite pour « Bigbug ».
Geoffroy Saint-Hilaire au cadre et l’ALEXA Mini LF
Au niveau des optiques, qu'avez-vous pensé des ARRI Signature Primes ?
Pour moi, les ARRI Signature Primes sont dans la continuité directe des Master Prime, mais adaptés au 4K. Ils sont très piqués et c'est le genre d'image qu'affectionne Jean-Pierre Jeunet dans ses films. J'ai quand même réalisé des essais. J'ai comparé les ARRI Signature Primes avec d’autres optiques grand format. La série ARRI était la seule à être parfaitement sharp et à m'offrir le meilleur minimum de point. J'ai tourné « Bigbug » avec un diaph de 5,6 ou 8 pour obtenir le maximum de profondeur de champ tout en ayant les personnages nets au premier plan. Pour gagner un diaph supplémentaire, j'ai exposé l'ALEXA LF à 2000 ASA.
Les ARRI Signature Primes et les acteurs Stéphane De Groodt et Elsa Zylberstein
Vous avez travaillé en HDR. Pourquoi ?
En postproduction, nous avons étalonné « Bigbug » en HDR, mais avons aussi fait une version en SDR. L'avantage du HDR est la plus grande latitude qu'il offre au niveau de l'image. Il permet notamment de conserver plus de détails dans les hautes lumières. Mais sur ce film, nous avons beaucoup de Practicals dans le champ. Pour cette raison, nous avons plutôt estompé l'effet HDR, de façon à ne pas être trop distrait par ces hautes lumières qui seraient devenues trop fortes dans l'image.
L’ALEXA LF, le réalisateur Jean-Pierre Jeunet et les acteurs Isabelle Nanty et Alban Lenoir sur le tournage du film « Bigbug »
Comment s'est passé le tournage avec Netflix ?
Très bien. Nous avons eu une liberté totale sur « Bigbug ». Depuis deux ans, par les hasards des productions, je travaille beaucoup avec eux sur différents projets. Netflix donne aux réalisateurs et aux équipes les moyens de bien travailler, et ils sont très soucieux de faire en sorte que tout se passe bien sur les tournages.